La France invente le jeu sans ballon par François Sorton

La France invente le jeu sans ballon par François Sorton
Dans le même temps où la France a initié l’éclosion du phénomène M’Bappé, elle a inventé le football sans ballon. L’équipe de France a été championne du Monde en étant la 19ème équipe en termes de possession (48%). Gagner sans ballon, c’est à peu près unique et les équipes françaises, par mimétisme, ont cru qu’elles avaient trouvé la formule magique. Tout faux.

Comme des rugbymen
On voit des choses étranges dans le championnat de France  : des défenseurs qui se prennent pour des rugbymen et dégagent en touche le plus loin possible. C’est nouveau, ça vient de sortir, c’est pas très beau. Les équipes ne veulent plus de la balle, elles ne savent pas quoi en faire. Le jeu en première intention, posé, réfléchi n’est pas une priorité mais un fléau. Se faire trois passes qui trouvent destinataire est une prouesse, les changements d’aile terminent souvent leur course dans les tribunes. Nous exagérons  ? Oui, juste un peu. Le PSG est bien sûr exempt de la malédiction ambiante. Mais il ne vit pas exactement sur la même planète que ses 19 compagnons d’infortune. Qu’il cumule autant de victoires que de matches (13) en étant parfois moyen ou médiocre est une preuve accablante du marasme général. Episodiquement, Lyon étale un certain savoir-faire avec N’Dombélé, Depay et surtout Fekir et Aouar, milieu formidable. Mais l’univers de la Ligue 1 est pollué, vicié par un jeu saccadé, décousu, incohérent. Les Français ont cru intuitivement, implicitement que le succès en Coupe du Monde allait être source de ruissellement. Mal vu  : on peut copier un certain type de football, une tactique, pas un état d’esprit, le vent dans le dos, encore moins M’Bappé et Griezmann, joueurs si décisifs. Les recettes empiriques de Deschamps ne sont pas transmissibles. Tous les entraîneurs ont beau abuser du même langage guerrier «  détermination, sécurité, don de soi  », ça ne marche pas. Le cheminement des clubs français en Ligue Europa est semé d’embûches. Mais comment peut-on penser –au même titre que toute la presse acquise à Deschamps- que l’idéal pour gagner un match est de refuser de posséder le ballon, si bel objet de désir  ? L’exception de l’équipe de France ne peut pas devenir une règle, ce serait trop facile  ; le football est bien plus complexe que la facilité d’un abandon.
Comme des footballeurs
Si nos «  rugbymen  » perdent, les vrais «  footballeurs  » ont repris la parole et le dessus sans demander l’autorisation à Deschamps. Dimanche dernier, à la 85ème minute d’un match Manchester City-Manchester United tout à la gloire des hommes de Guardiola, les Citizens avaient raté tellement d’occasions qu’ils ne menaient que 2 buts à 1. Mourinho et les siens pouvaient espérer un nul miraculeux et se mirent à faire un pressing tout-terrain. A cet instant de la partie, réussir exactement 44 passes pour marquer le 3ème but libérateur fut une prouesse incomparable. Et c’est ainsi que dans l’arène de l’Etihad Stadium, Guardiola était un magicien quand Mourinho n’était plus qu’un clown triste naviguant à 12 points de son adversaire invaincu. En Espagne, le Barça –irrégulier- a livré de grands matches en s’accaparant le ballon. En Angleterre, Maurizio Sarri hisse Chelsea à des hauteurs très hautes en confisquant lui aussi la balle. Et Naples a donné au Parc une leçon au PSG en utilisant au maximum le ballon. Non, ce ballon n’est pas un poison mais un cadeau, un pur cadeau.