Mediapro-LFP : duo de lumières par François Sorton

Mediapro-LFP : duo de lumières par François Sorton

C’est le mantra le plus répandu du moment  : «  Les Français sont très intelligents  ». Bon, on en connaît qui le sont moins, nous voulons parler des acteurs de Mediapro, diffuseur de la Ligue 1 en France et de la Ligue de Football Professionnel. Ces deux entités, croyez-le, ne sont pas des lumières

Mediapro, diffuseur bidon.
En juin 2018, lorsque se joue le renouvellement des droits de diffusion du football en France, c’est un véritable coup de tonnerre que fait éclater Jaume Roures, directeur général du groupe Joye Media SL, dont Mediapro est une des nébuleuses chapeautées par un fond d’investissement de l’état chinois, Orient Huntai Capital. Mediapro enchérit à 4 milliards pour 4 ans. C’est moins qu’en Angleterre, par exemple, semblable à l’Allemagne, supérieur à l’Espagne ou l’Italie dont la passion pour le football et donc le nombre d’abonnés potentiels sont pourtant plus soutenus.
La France du foot est en liesse  :  «  C’est un jour béni  », clame Jean-Michel Aulas, le président de Lyon. Le champagne pétille partout, la presse est vilipendée  :  «  Vous avez voulu jeter le discrédit sur notre compétition, vous vous êtes trompés, elle est formidable pour valoir aussi cher  ». Les contrats sont signés mais on se garde bien à la Ligue d’exiger la moindre caution à Mediapro. Pas de pinaillage entre amis.
Pendant un an, on n’entendra plus parler du futur diffuseur, qui a juste un pied-à-terre à Paris et ne met pas beaucoup d’engouement à s’organiser. Les économistes font les comptes et sont interloqués  : pour rentabiliser l’investissement, il faudrait 3,5 à 4 millions d’abonnés, dont au moins 1,5 la première année. Personne n’avait vu venir la supercherie  : Mediapro ne voulait faire que du courtage, c'est-à-dire revendre son acquisition à la découpe à Canal, BeIn Sport ou n’importe quel autre diffuseur intéressé. Il espérait récupérer 4,5 milliards d’Euros et ainsi donc gagner 500 millions d’euros en se tournant les pouces.
Sans le Covid-19, le deal aurait-il fonctionné  ? On ne le saura jamais mais avec le retrait de sponsors et le manque d’intérêt de matches joués à huis-clos, le projet a capoté et Mediapro a bien été contraint de mettre la machine en route. Une première traite de 150 millions est bien honorée en août, mais la seconde en octobre ne l’est pas. Mediapro veut renégocier à la baisse, arguant de l’impact négatif du virus. La LFP refuse mais comme elle n’a aucune garantie bancaire, c’est l’impasse. Elle est contrainte d’emprunter pour donner l’argent promis aux clubs, sous peine de banqueroute de plusieurs d’entre eux, incapables de verser les salaires d’octobre. D’après diverses sources, il y aurait entre 250 et 300.000 abonnés à ce jour à Téléfoot, nom générique donné à la chaîne. Catastrophe industrielle assurée.

Et maintenant  ?
Les clubs sont formidables  : alors qu’ils hurlaient l’an passé après l’Etat «  racketteur  », ils l’implorent aujourd’hui de s’emparer du dossier toutes affaires cessantes. «  Emmanuel Macron doit faire payer l’addition à la Chine  » qui, aux dernières nouvelles, ignorait à peu près tout des actions frauduleuses menées par Mediapro.  «  Et si la Chine ne paie pas, l’Etat français n’aura qu’à mettre la main à la poche  », osent-ils encore. L’indécence et l’incompétence sont les tares les mieux partagées de nos 20 présidents qui vont pouvoir se raccrocher à cet adage  :  «  Il n’est pas un problème dont l’absence de solution ne finisse par venir à bout  ». Si Mediapro se défausse définitivement, il est possible que Canal et BeIn Sport reviennent au parloir. Ils seraient en position de force et s’ils mettaient 500 ou 600 millions par an sur la table, ce serait déjà le bout du monde. Dans les clubs, c’est soupe à la grimace. C’est sûr, c’est moins bon que le champagne à 4 milliards. Mais le méritaient-ils  ?