Le magazine "So foot" consacre un numéro spécial Juillet-Août sur la
Coupe du monde 1970, si appréciée par François Thébaud et toute l'équipe
du "Miroir" d'alors. C'est la raison pour laquelle "So foot" a publié en parallèle sur son site un long article sur ce magazine resté dans la mémoire des anciens mais aussi devenu une référence pour des plus jeunes, tant était évidente la liaison entre cette Coupe du monde 1970, le Brésil de Pelé et le "Miroir". Nous lui avons apporté une aide sous forme d'un long entretien et de photos fournies. Voir l'article sur le site de SO FOOT |
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Une autre idée du football et du journalisme : c’était l’ambition de François
Thébaud, l'emblématique rédacteur en chef du Miroir du Football. La ligne éditoriale de ce magazine ? Un certain talent pour le contre-pied et une idée très arrêtée du «vrai football» . À rebrousse-poil du reste de la presse française, et de son époque (1960 à 1976), marquée par le verrou et le jeu direct. Par Adrien Candau et Florian Lefèvre jeudi 6 août Photos Les Amis de François Thébaud Archives Miroir du Football |
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François Thébaud avec Raymond Kopa et Ferenc Puskas |
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Adolescent, Christian Gourcuff n’avait pas besoin de demander à ses parents de vider le PEL familial pour souscrire à Téléfoot, Canal+, beIN Sports, RMC Sport et Eurosport. Évidemment, dans les années 60, toutes ces chaînes n’existaient pas encore. À l’époque, le championnat de France à la télévision était même aussi rare que des victoires tricolores en Coupe d’Europe. Alors, à défaut de pouvoir regarder du football régulièrement, l’actuel coach du FC Nantes fantasmait en lisant le Miroir du Football, dont il souscrit un abonnement à l’âge de 13 ans. Quand survient la Coupe du monde 1970 au Mexique, qu’importe si l’équipe de France n’est pas qualifiée, le Breton n’a d’yeux que pour la Seleção du Roi Pelé. Il ne l’a encore presque jamais vue jouer, mais il la connaît pourtant par coeur, grâce à son magazine favori. «En 70, j’étais supporter du Brésil comme jamais je n’ai été supporter ! Et ce, dès le premier match, parce que j’étais conditionné par mes lectures. Mes copains, c’était pareil. Quand on jouait entre nous, on se projetait… On était Brésiliens sur le terrain.» |
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Miroir, mon beau Miroir Cité en référence par Christian Gourcuff, mais aussi Claude le Roy, Marius Trésor, Jean-Marc Furlan, Gervais Martel, et bien d’autres passionnés de football qui l’ont eu entre les mains, entre 1960 à 1976, le Miroir du Football a conquis quelque 40 à 50 000 lecteurs réguliers ; le quart de son tirage étant diffusé en dehors de la France. Il était «unique» souligne son rédacteur en chef emblématique, Francois Thébaud, invité sur le plateau d’Apostrophes en 1982. «Il était unique par son ton, par les conceptions qu’il défendait, par une certaine propension à la polémique, à la critique… Il était unique aussi par la liberté dont la rédaction bénéficiait, car c’est un journal où, pendant 16 ans, les journalistes ont eu une liberté d’action absolument complète» , assure le bonhomme face à Jacques Thibert, rédacteur en chef de France Football, un adversaire du Miroir. |
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Retour à la genèse de l’histoire, dans les années 50.
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Pas de chauvinisme ! «Résultats, classements, compte-rendus, annonces des matchs à venir, échos anecdotiques… tel est l’invariable menu de la semaine footballistique. Pas un article de fond, pas une opinion sur la tactique… à l’exception des points de vue de Gabriel Hanot. Jamais un article original sur l’organisation du football, sur la politique des dirigeants, jamais bien sûr un papier polémique, un écho mordant»dézinguera Thébaud dans son livre Le temps du Miroir, publié en 1982. Lui ambitionne de créer un journal qui traiterait du football sans préférence nationale et analyserait le jeu en profondeur, de la France à la Russie, de l’Afrique du Nord à l’Amérique du Sud. Dans un premier temps, sa direction n’est cependant pas convaincue par la viabilité d’un canard sur le football. Le directeur du journal Maurice Vidal est sceptique, mais il accepte de lancer un hors-série de Miroir-Sprint consacré à Raymond Kopa, avant le Mondial 58. Puis un deuxième, retraçant «l’épopée suédoise» des Bleus, seulement battus par le Brésil en demi-finale. Pour la première fois, on voit apparaître, sur fond bleu, le titre «Miroir du Football» . Un troisième hors-série raconte «les étoiles du football mondial» l’année suivante. Puis un quatrième, titré «le football explosif de l’Amérique du sud» en couverture, à l’occasion du championnat sud-américain - l’ancienne formule de la Copa América - en Argentine. Signé Thébaud, le reportage à Buenos Aires est auréolé du prix Martini 1959 récompensant le meilleur article sportif de l’année et décerné par le syndicat des journalistes français. |
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La «guérilla» idéologique contre L’Équipe et France Football Parce qu’il incarne cette ligne autoritaire et qu’il dévalorise dans la presse les joueurs français (2) alors même qu’il est censé les faire progresser, Georges Boulogne (sélectionneur national de 1969 à 1973, puis DTN de la fédération, de 1970 à 1982) devient le grand adversaire idéologique du Miroir. Le second est Jacques Ferran, le rédacteur en chef de L'Équipe. «La concurrence avec le Miroir du Football ? Ça a bercé tout le début de ma carrière de journaliste, confirme Philippe Tournon, qui signait à L'Équipe à l'époque. Il y avait une "guérilla" idéologique entre le Miroir du Football et notre groupe. Enfin, c’était surtout le Miroir qui s’acharnait à dénigrer ce qui ne cadrait pas avec ses convictions du jeu. Pour eux, il n’y en avaient que pour le jeu court, la défense en ligne, le jeu à la rémoise, l’Anderlecht de Pierre Sinibaldi…»
«Le Miroir s’est beaucoup intéressé à deux clubs amateurs proches de ses conceptions du jeu. Il y avait le Stade Lamballais de Jean-Claude Trotel, en Bretagne, et aussi le FC Cavalaire de Robert Bérard, près de Toulon.» Enfin, le titre se distingue par son traitement approfondi du football international. Le Miroir comprend par exemple une double page centrée sur le football belge : «On a beaucoup défendu l’Anderlecht de Pierre Sinibaldi (entraîneur des Mauves de 1960 à 1966 puis de 1970 à 1971, NDLR), déroule Bervas, une équipe qui jouait selon nos idées, en 4-4-2, avec la défense en ligne et un jeu créatif.» |
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Miroir brisé Au milieu des années 1970, les éditions J, sont au plus mal. Nombre de ses titres, à l’exception notable du Miroir, ne se vendent plus et le groupe doit fusionner en 1973 avec les éditions Vaillant. Une restructuration qui va sonner le début de la fin pour l’enfant chéri de Thébaud : «La nouvelle direction est notamment pilotée par Jean-Jacques Faure, un type assez jeune, qui est un permanent du PCF, explique Bervas. Pour lui, ce n’était pas normal que la direction n’ait pas davantage de contrôle sur la ligne éditoriale.» Ce dernier juge notamment le Miroir trop critique, négatif et intransigeant dans ses analyses du jeu et des équipes. «Lors du Mondial 1974 en Allemagne, le Miroir envoie pas mal de reporters sur place, poursuit Bervas. C’est une épreuve assez pauvre sur le plan footballistique, notamment au regard du jeu produit par son vainqueur, l’Allemagne de l'Ouest. Les articles du Miroir sont peu enthousiastes, mais le directeur de la publication, Maurice Vidal, fait publier un texte qui s’appelle "La Fête". C’était un article positif, contradictoire avec les reportages du Miroir, et placé à l’intérieur du journal, et non pas comme un éditorial.» |
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Pas du genre à mettre de l’eau dans son vin, Thébaud vit très mal la chose.
Deux de ses trois collaborateurs permanents du Miroir sont licenciés. Solidaires de leur emblématique rédacteur en chef, garant de l’esprit du journal, la plupart des pigistes démissionne. Le Miroir perd ses plumes historiques. Il ne s’en relèvera pas. Devenu un journal «conformiste» , il perd ses fidèles lecteurs et cesse d'être publié, en 1979. Soixante ans après son lancement, quel héritage a laissé le Miroir du Football ? Le magazine est sans aucun doute resté dans les mémoires d’une génération entière de lecteurs, marqués par son contenu novateur et engagé. Il aura aussi obtenu quelques succès tangibles, comme l’introduction du contrat à temps en 1969, pour lequel le Miroir a intensément milité en étant à l'initiative de l’occupation du siège de la FFF en 1968, comme l’expliquait Thébaud : « Auparavant, un joueur était contractuellement lié à son club jusqu’à l’âge de 35 ans… Durant des années, ce système des transferts devait être l’une des cibles de l’offensive du Miroir dans son combat pour la dignité du joueur. » Ce qu’il ne savait pas, c’est que ce contrat à temps qui devait assainir le football serait perverti bien des années plus tard, par les rachats d'années de contrats des joueurs par les clubs. Ce que Christian Gourcuff non plus ne savait pas, c’est qu’il serait, un jour, déçu, en revoyant le Brésil de 1970. « Pour regarder les matchs, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Parce qu’évidemment, aujourd’hui, le rythme du jeu n’est plus le même. En 1970, le football était très arrêté, le porteur du ballon était très libre. J’ai revu des parties de matchs, et là, ça m’a terriblement déçu. Donc, j’ai arrêté la vidéo. Je préfère garder les souvenirs, c’est suffisant. » Et relire un Miroir du Foot. Par Adrien Candau et Florian Lefèvre propos recueillis par AC et FL, sauf mentions. (1) Extrait de l’article « Pourquoi la priorité au physique ? » paru dans le Miroir en avril 1972 : « Le vrai football est un art où l’effort physique indispensable s’exprime efficacement dans la joie du jeu. » (2) À la question du journal France Soir, le 12 octobre 1971 : « Pensez-vous que le football ne pourra s’élever au premier plan ? » Boulogne répond : « C’est une certitude. Aucun sport, chez nous, n’a la moindre chance d’accéder au premier plan. Encore moins le football qui n’est pas aidé. » (3) D'anciens rédacteurs et co-équipiers de François Thébaud ont fondé en 2009 l'Association des amis de François Thébaud, qui anime le site miroirdu football.com, pour maintenir la mémoire du journal et de son créateur, et aussi parler de l'actualité du football dans l'esprit des principes du magazine. |