Lettre ouverte à Mbappé, par Simon Lebris

Ton nom, contrairement à celui de Neymar, ne rime pas avec cauchemar.
Avec “loupé”, oui, un peu.
Ici, à Miroir, nous sommes contents que celui de Messi rime avec “réussi”.
Etait-ce une raison pour afficher une mine de grand accablement, toi qui as renversé le sort d’une finale en quarante minutes et un triplé ?
Toi et tes partenaires, staff général inclus, aviez dans le cœur un rêve qui ressemblait à une épée de Damoclès au-dessus de vos têtes et du plomb dans les jambes : on ne s’explique pas autrement ce début de match catastrophique, la disparition d’un Griezmann jusque-là métronome, l’inefficacité d’un Dembélé comme à ses pires jours au Barça, un Giroud forcément fantomatique puisque non servi.
L’équipe de France a pratiqué pendant plus d’une heure un “jeu de dépossession” que les changements avant et après la mi-temps d’un Deschamps lucide et impitoyable n’ont pas inversé.
Tu as alors pris les choses en main, si l’on peut dire. Kolo Muani t’a ouvert la porte en t’offrant un pénalty avant que tu remettes tout à plat dès la minute suivante d’une reprise de volée consécutive à un une-deux onirique et aérien avec le rentrant Thuram.
Hitchcock n’aurait pas fait mieux.
Le second but de Messi a pu faire croire que les dieux avaient choisi l’équipe sud-américaine dans ce conte à dormir debout.
Il a fallu que tu les rappelles à l’ordre à deux minutes de l’échéance avec ce second pénalty sévère mais juste au regard des règles footballistiques actuelles où la notion d’intentionnalité a (hélas) disparu.
Ton quatrième but, si l’on peut appeler ainsi ta réussite dans la séance des tirs où l’excellent Lloris a montré que ce n’était pas son exercice favori, contrairement à Emiliano Martinez, décisif, ne t’a pas fait grimper sur la plus haute marche.
Tu n’as pas tout perdu, même si tu as affiché un visage déconfit au moment de recevoir le trophée du meilleur buteur de la compétition.
A propos d’affiche, la “une” de L’Equipe t’a également récompensé au lendemain même de ta désillusion.
Piètre consolation.
Pour une fois que ce journal ne célèbre pas le sacro-saint vainqueur qui est son habituel principe, il a misé sur le réflexe chauvin de ses acheteurs, même si ton regard perdu dans l’amertume contredit quelque peu le titre qui l’accompagne, « la tête haute ».
Tu vas mettre du temps à te remettre de ce film impossible à rembobiner et à dérouler autrement.
Mais le temps, justement, va être ton nouveau partenaire : à désormais 24 ans, d’autres Coupes du monde vont se présenter à ton insatiable désir de victoire.
De nouveaux partenaires et sans doute un nouveau sélectionneur permettront peut-être de le satisfaire.
En attendant, réuni sous le même maillot parisiano-qatarien aux deux autres “stars” de ce Mondial (votre jeu, votre complicité balle au pied, si elle est maintenue, sera ton meilleur réconfort), il te reste la Ligue des Champions à enfin gagner.
Nous sommes d’accord : elle n’aura jamais la même saveur qu’une Coupe du monde.