Faouzi, repose en paix au pays des footballeurs Africains |
Son regard lucide sur le football africain |
Je l’appelais « monsieur le président » tant il avait présidé d’instances importantes. Il m’appelait « oum Marcel » parce que c’est la coutume : au Maghreb, on appelle les femmes par le prénom de leur fils aîné. Faouzi Mahjoub, journaliste et grand monsieur du football africain, s’est éteint ce matin, après un combat de trois ans contre une maladie neurologique terrible qui l’avait peu à peu privé de tous ses muscles, jusqu’à lui rendre difficile le simple fait de respirer. Il avait 72 ans. Vous le connaissez : j’ai parlé de lui ici-même, à propos de ses cigares favoris, les Rafael Gonzales panatelas… Je suis heureuse d’avoir pu le voir et le revoir, alors que nombre de ceux qui se disaient ses amis s’étaient depuis longtemps détournés de lui. Au firmament du football, les étoiles sont bien souvent filantes. Nous avions rendez-vous chez lui lundi dernier, pour discuter un brin. Depuis une paire de semaine, mon agenda dit « de ministre » m’avait empêchée d’aller le voir. J’allais lui apporter quelques petits chocolats – dont il raffolait – au moment où j’ai appris qu’une syncope, suivi d’un coma, l’avait contraint à l’hospitalisation d’urgence depuis le samedi après-midi. « Pas d’obstination déraisonnable », avait-il souhaité dès avant cette alerte, signant tous les indispensables papiers pour que lui soient épargnés intubations et autres survies médicalement assistées. Contre toute attente, il avait surmonté cette crise et sa famille et quelques uns de ses amis avions pu le retrouver. Pour un au-revoir que nous savions tous être un adieu. Faouzi Mahjoub était avant tout reporter, spécialiste du football africain. LE spécialiste mondial du football africain. Il avait commencé dans le métier en 1961 et avait travaillé pour plusieurs revues comme Jeune Afrique, Miroir du Football, Miroir Sprint, Afrique Asie, Afrique Magazine. Ces dernières années, il avait recommencé à écrire pour Afrique Asie, après une brouille sévère avec Jeune Afrique. Il animait également un blog, « Miroir du foot africain » et n’hésitait jamais à faire émissions de radio et documentaires télé si cela pouvait servir la cause du foot africain. Son talent et ses compétences lui avait aussi permis d’occuper de nombreuses autres fonctions : entre 1990 et 2006, il avait été membre de la commission des Médias de la Fifa. Dans le même temps, il était conseiller de presse pour la Confédération africaine de football (entre 1988 et 2004) et chef de presse pour la Coupe d’Afrique des nations (1988 – 2002) ainsi que pour la Coupe du monde, de 1994 à 2002. Vu ce contexte, il me considérait un peu comme une fille improbable lorsque je lui disais que jamais, de ma vie, je n’avais regardé un match de foot, que cela soit à la télévision ou dans un stade… Entre 1968 et 2008, outre ses articles, il avait publié quelque huit grands livres sur le foot africain, principalement des encyclopédies ou des rétrospectives. Faouzi jouait au foot, bien sûr. Je me souviens même avoir vu apparaître un jour, au journal, claudiquant et le sourire crispé, mon confrère qui me l’avait présenté. « Et en plus, on a perdu », avait-il grommelé, Faouzi avait les meilleurs avec lui… Ainsi ai-je appris que des matches avaient lieu tous les dimanches ou presque, entre journalistes et amis du foot de tous horizons. Faouzi était un ami du foot et des footballeurs, à tu et à toi avec nombre de stars du ballon rond : lors de son dernier voyage à Bamako, en 2012, c’est chez Salif Keita qu’il est allé loger. Il avait la dent dure, aussi, et ne supportait pas les petits – et les gros – arrangements qui peuvent exister dans ce monde terriblement concurrentiel. Il regrettait également que la France ne se soit pas mieux débrouillée pour former la jeune garde footballistique, se contentant de recruter des gamins prometteurs et de les « revendre » très vite. Je ne saurais analyser l’ensemble des travaux de Faouzi Mahjoub, ni commenter ses prises de position, le football qu’il soit d’Afrique ou d’ailleurs, m’étant totalement étranger. Mais j’avais un confrère et un copain, un homme rond et jovial, qui ne manquait jamais de venir me dire bonjour, qui lisait mes papiers et comprenait mon travail, en particulier concernant le Nigeria, pays « footballistique » s’il en est et dont j’analyse la politique depuis des décennies. J’avais un confrère et un copain qui aimait le chocolat, les restaurants tunisiens – son pays natal – et la vie en général. Aujourd’hui je ne l’ai plus. Et il me manque quelque chose qui jamais ne reviendra. |
"OUM MARCEL" Mars 2014 |