Le triomphe du Brésil en 1970 à Mexico

21 Juin 1970 Brésil bat Italie 4 buts à 1 (1-1) à Mexico
107 000 spectateurs
Arbitre M. Glöckner (RDA)
Buts Pelé 18eme, Boninsegna 37eme, Gérson 66'eme, Jairzinho 71eme, Carlos Alberto 87eme
Brésil Félix - Carlos Alberto, Brito, Piazza, Everaldo - Clodoaldo, Gérson - Jairzinho, Tostão, Pelé, Rivellino
Entraîneur : Mário Zagallo
Italie Albertosi - Burgnich, Cera, Bertini (75eme Juliano), Rosato , Facchetti - Domenghini, De Sisti, Mazzola - Boninsegna (84eme Rivera), Riva
Entraîneur : Ferruccio Valcareggi

LE MUNDIAL DE LA RESURRECTION
François Thébaud Mexico Juillet 1970

On ne peut imaginer triomphe plus total, revanche plus complète des déboires subis et de l'incompréhension rencontrée en 1966, que la victoire du Brésil dans la 9e Coupe du Monde.

Pas une défaite, pas un match nul, pas un recours à la prolongation dans sa marche irrésistible vers la conquête définitive de la victoire aux ailes d'or dédiée à Jules Rimet. Mais six victoires consécutives, nettes, indiscutées, qui s'ajoutent aux six victoires consécutives des éliminatoires.
19 buts qui s'ajoutent aux 23 marqués dans la phase préliminaire. Et pour terminer un score de 4-1 aux dépens de l'Italie, candidate au triplé depuis 1938 et dont le catenaccio passait pour le plus hermétique du monde !

Nous avons suivi au stade Jalisco tous les matches du Brésil depuis sa sensationnelle entrée en scène à Guadalajara contre la Tchécoslovaquie. Au cours de ce premier match il ne laissa aucun doute sur sa volonté offensive attestée par la présence de Pelé, Tostao, Gerson, Jaïrzinho, vedettes de la phase éliminatoire, appuyés par Rivelino et Clodoaldo.
Et ce fut, grâce à la remarquable réplique des Tchèques, le premier festival de grand football depuis la Coupe du Monde... 1958. Il mit en lumière un nouveau Pelé, plus collectif, plus constructif, plus animateur, plus équipier, mais individuellement aussi génial que par le passé, aussi maître de son incomparable technique, comme le montrèrent son travail lucide et efficace en retrait, ses passes admirables, ce chef-d"'oeuvre de technique et de sang-froid que fut le 2e but, cet autre chef d'œuvre de clairvoyance que fut le tir de 60 mètres qui surprit Viktor avancé.
Il mit aussi en valeur le superbe travail constructif de Gerson au milieu du terrain, les irrésistibles débordements de Jaïrzinho, les tirs-canon de Rivelino... Des ooccasions de but à foison, un score final de 4-1, qui pouvait désormais douter que le Brésil avait opté pour l'offensive ?

Les admirateurs de l'Angleterre -la grande majorité des observateurs européens- attendaient le match des champions du monde pour se prononcer. En bons "réalistes", ils furent convaincus par le résultat du match (1-0).
Nous le fûmes moins, parce que les Brésiliens, -auxquels l'absence de Gerson et les faiblesses manifestées par sa défense devant la Tchécoslovaquie créaient des soucis - ne se décidèrent à appuyer leurs attaques qu'au début de la seconde mi-temps pour marquer par Jaïrzinho, sur passe de Pelé, l'unique but du match. Auparavant, ils s'étaient refusés à prendre les moindres risques offensifs et s'étaient contentés de conserver le ballon par des successions de passes latérales qui ne visaient pas à mettre l'adversaire hors de position, mais seulement à le priver des possibilités d'attaquer.
Menant à la marque, ils adeptèrent de nouveau ce procédé qui faillit leur coûter le gain du match lorsque leur défense mise à l'épreuve offrit aux attaquants anglais deux "cadeaux" que Astle et Ball laissèrent échapper. S'il ne permit pas de se prononcer sur l'avenir de l'équipe du Brésil, ce match apporta la preuve que les possibilités de l'Angleterre, privée de l'imperturbable confiance qui constituait l''essentiel de sa force étaient étroitement limitées.

Devant la Roumanie, le Brésil joua une lumineuse première demi-heure marquée par un avantage de
2-0 à la marque. Durant cette période, le ballon circula avec une telle rapidité que les Roumains parurent promis à l'écrasement. Fut-ce par calcul, car la Roumanie, vainqueur de la Tchécoslovaquie, avait mathématiquement une chance de se qualifier ? Fut-ce par souci d'économiser ses forces sous l'écrasante chaleur du soleil de Guadalajare ? En tout cas, après son 2e but, le Brésil cessa d'appuyer ses attaques et se porta à l'offensive seulement lorsque l'adversaire devint menaçant.


En quart de finale contre le Pérou qui ne dissimulait pas ses intentions offensives, le Brésil "mit le paquet", et ce fut le match le plus ouvert et le plus beau du tournoi. Le score de 4-2 fut le reflet logique du rapport des forces, les magnifiques possibilités techniques des Péruviens se trouvant hypothéquées par une orientation constante des attaques par le centre, alors que la maîtrise des Brésiliens se manifestait notamment par une utilisation constante des ailiers.
L'importance essentielle du rôle de Gerson, absent contre l'Angleterre pour cause de blessure, apparut lumineusement dans ce domaine du jeu.On regretta seulement que les circonstances aient opposé à ce stade de l'épreuve les deux plus brillantes divisions offensives présentes au Mexique,. Nul doute que le Pérou de Cubillas, Sotil, Mifflin, Challe et Chumpitaz méritaient la consécration de la finale.

En demi-finale, pour son dernier match au stade Jalisco dont le public l'avait adoptée, l'équipe du Brésil, mise en garde par sa mésaventure historique de 1950 éprouva de la difficulté, perdit l'équilibre devant les provocations, les brutalités et les truquages systématiques des joueurs uruguayens, encaissa une fois encore un but stupide sur erreur de Brito, puis se retrouva pleinement pour égaliser avant le repos, et s'imposer en seconde mi-temps, sans discussion possible, sur le score de 3-1.

A Guadalajara, l'issue d'un match contre l'Italie n'aurait laissé aucun doute, malgré l'efficacité inattendue de la squadra face à l'Allemagne. A Mexico, avant le coup d'envoi de la finale, le changement d'altitude (de 1.600 mètres à 2.400 mètres) posait aux Brésiliens un problème d'adaptation plus délicat que celui du changement de température. Ayant évolué jusque là à Puebla-Toluca et dans la capitale, les Italiens disposaient d'un avantage qui n'était pas négligeable.

Il s'avéra à l'usage dépourvu d'importance, alors que la nervosité des Brésiliens, accrue par la grosse erreur de Clodoaldo, premier responsable du but de l'égalisation, fut le véritable obstacle sur la route de la victoire. L'impuissance de l'adversaire à s'assurer une possession du ballon suffisante pour mener des contre-attaques, la belle initiative de Gerson abandonnant provisoirement son rôle de stratège au milieu du terrain pour s'incorporer à l'attaque et décocher un tir irrésistible, fut le grand tournant d'une partie jusque là assez décevante.
Dès lors sa maîtrise presque entièrement recouvrée, le Brésil, paracheva sa victoire par un très beau 3e but sur un mouvement amorcé par Gerson, poursuivi par Pelé et terminé par Jaïrzinho,
puis par un quatrième but, résultat d'une admirable action collective commencée par une prouesse individuelle de Clodoaldo et poursuivie par Jaïrzinho puis Pelé préparant le coup de canon de Carlos Alberto.