Just Fontaine, un ami du «  Miroir  » par Loïc Bervas

Just Fontaine, c’est bien sûr un immense footballeur, un buteur de légende, connu dans le monde entier par son record toujours vivant de 13 buts en une seule Coupe du monde, celle de 1958 en Suède. En 21 sélections nationales, il compte 30 buts.

Dans les deux clubs où il a joué en France, il a montré sa puissance de feu  : à l’OGC Nice de 1953 à 1956, il marque 42 buts, puis au stade de Reims, il est deux fois meilleur buteur (1956 et 1960) et deux fois second buteur du championnat. En 200 matches de championnat, il aura inscrit 164 buts (soit une moyenne de 0,82 but par match.

Une carrière fulgurante, interrompue par une double fracture tibia-péroné en mars 1960 et, après sa reprise, définitivement terminée par une récidive en janvier 1961.

Remarque personnelle sur le footballeur  : après la Coupe du monde 1958, les gamins de 9-13 ans, quand ils font des matches de «  football sauvage  » dans la cour d’école, sur la plage ou sur un terrain annexe du stade municipal (en passant par un trou du grillage), se donnent des noms de leurs modèles  : «  Moi je suis…  ».
Just Fontaine fait partie des noms des «  idoles  » convoitées, en compagnie de Pelé, Kopa, Di Stefano, Puskas…

Il faut rappeler aussi le compagnon de route du «  Miroir  », l’ami de François Thébaud, dont il partageait les idées sur le football.
Le journaliste et le magazine ont toujours été admiratifs de Kopa et Fontaine, ont maintes fois salué leur talent sportif, leur conception d’un football offensif qu’ils démontraient sur le terrain. Dès le numéro 1 du «  Miroir  », en couverture, c’est Just Fontaine qui apparaît, taclé par un défenseur adverse (image tristement prémonitoire comme on l’a vu ci-dessus), comme symbole de l’offensive.


En 1961, avec le footballeur Etienne N’ Jo Léa et l’avocat Jacques Bertrand, il fonde l’UNFP, syndicat des joueurs professionnels, pour s’opposer aux dirigeants de clubs et aux instances de la 3F, potentats peu soucieux de démocratie, nommant comme sélectionneurs et entraîneurs de l’équipe tricolore des partisans d’un football défensif, triste… et peu brillant sur le plan des résultats. La principale revendication de l’UNFP concerne le «  contrat à temps  », pour en finir avec l’assujettissement jusqu’à 35 ans, c’est-à-dire à vie des joueurs à leur club. Comme le dénoncera en 1963 Raymond Kopa, dans un article retentissant à «  France Dimanche  », titré «  Les joueurs sont des esclaves  ». Tous deux ne sont guère en odeur de sainteté auprès des pontifes de la 3F, et subiront leurs attaques.



Aussi, quand après des résultats lamentables sous plusieurs sélectionneurs, le président du FC Toulouse Doumeng l’impose à leur place en 1967, les dirigeants fédéraux ne lui laisseront que deux matches amicaux avant de le limoger, alors que l’équipe avait montré de grandes promesses saluées par le «  Miroir  », bien qu’étant battue. Dans l’entretien que nous avons eu avec lui et Kopa en mars 2010, il s’en amusait  : «  La deuxième rencontre, c’était contre l’URSS, championne d’Europe alors, qui n’avait pas perdu un match cette année-là.  Au Parc des Princes, on mène 2-1 à la mi-temps. Je peux vous dire que les dirigeants dans les tribunes, ils faisaient «  pouet-pouet  », parce que si on avait gagné, peut-être que j’y serais encore  ! (3 mars 1967  : défaite finale 2-4 des tricolores NDR). 

Après l’occupation du siège de la 3F en mai 68 pendant 5 jours, à l’initiative des journalistes du «  Miroir  » et d’amis footballeurs et sa fameuse affiche «  Le football aux footballeurs  », est créée l’Association française des footballeurs  » qui reprend les aspirations et revendications du manifeste du Comité d’action constitué lors de l’occupation. C’est Just Fontaine qui en est le président. L’AFF et l’UNFP finiront par obtenir, entre autres «  victoires  », la promulgation du «  contrat à temps  » en 1973, après de nouveaux combats, tels le match refusé par la 3F entre l’ASSE et le SCO Angers en novembre 1968 ou la grève du championnat en décembre 1972.
Le «  Miroir  » continuera pendant cette période à lui apporter son soutien, tant dans son action militante que lorsqu’il sera entraîneur du PSG de 1973 à 1976.

Tout comme son ami Kopa décédé en 2017, il était membre d’honneur de l’AMFT (Association des Amis de François Thébaud). Tous deux étaient fiers(à juste titre) de leur carrière, mais simples d’abord  : Kopa sérieux, Fontaine plus jovial et bon vivant.