Le football-passion, au féminin par Bernard Gourmelen Cet article est le dernier de la série « Le football, passions ivoiriennes ». Cette fois l’auteur a approché le monde du football au féminin, des footeuses, ces joueuses de football à l’occasion. Ici, il s’agit de femmes d’un village, celui de Mahibouo, proche de Gagnoa, qui se sont retrouvées pour une rencontre entre elles, en ouverture d’un tournoi de football au masculin. On y découvre leurs paroles corroborées par les propos de Cynthia Djohoré, la gardienne de but de la sélection ivoirienne : toutes y parlent de la joie que procure la pratique du football… |
Le football-passion, au féminin Il n’est pas envisagé ici d’effectuer un point ou un bilan de ce qu’est ou peut être le football au féminin en Côte d’Ivoire. Les footeuses du dimanche à Mahibouo Lors de ce dimanche du mois de juin 2020 au village de Mahibouo, pour fêter les dons d’équipements sportifs, les autorités du village avaient organisé des rencontres de football sous forme de tournois pour les hommes mais aussi d’un match de football pour les femmes. Donc, en ouverture des rencontres de football au masculin, s’est déroulé un match d’équipes féminines, l’une composée de femmes du village même et l’autre de femmes de l’ethnie des baoulés. Voir en annexe, Le football féminin en Côte d’Ivoire, en fin d’article Les joueuses des deux équipes profitent de la mi-temps de leur rencontre pour récupérer de leurs efforts. La ferveur aura la même intensité que lors des rencontres à venir, chaque équipe bénéficiant de supporters venus en nombre pour les encourager. Une des équipes s’est imposée et l’histoire ne retiendra pas sans doute laquelle des deux, mais toutes les joueuses n’étaient pas peu fières d’avoir été sur le terrain, au centre du village, pour démontrer qu’elles aussi pouvaient jouer au football, et ce avec passion. Enchanté dans l’immédiat de constater que les autorités avaient bien voulu incorporer ces femmes à ces joutes sportives et de les voir se démener avec autant d’envie, il m’est venu après le besoin de connaître ce qu’elles avaient retenu et ressenti de cet après-midi de footeuses ? Il m’a alors fallu trouver un relais au village (Rodrigue et Carlos) pour mener les interviews auprès de quelques-unes d’entre elles. Un questionnaire a été élaboré pour leur faciliter la tâche. Ainsi, un an après, quelques footeuses ont donc accepté d’y répondre pour nous confier leurs sentiments vécus ce dimanche-là. Le terme footeuse est utilisé de la même manière que pour les hommes avec celui de footeux. Quand on a posé la question à Viviane (34 ans, mère de famille) « est-ce que tu veux bien jouer au foot dimanche ? », celle-ci a répondu, oui, immédiatement. En fait j’aime m’amuser, alors là, on a bien rigolé… Cette rencontre est un moment inoubliable ! J’y ai pris un énorme plaisir. Et si c’était à refaire ? Je le referais et plus régulièrement, si cela est possible. Un conseil : je voudrais dire aux femmes de mon âge de faire comme moi car cela fera plaisir à nos enfants. Par contre, Séciel (38 ans) reconnaît avoir été un peu poussée à le faire : En fait à cause de mon poids, j’évite des choses qui vont me donner des douleurs aux pieds. Cette rencontre reste inoubliable, cela m’a fait plaisir car pour la première fois, je me suis amusée. Bien sûr, je suis prête à le refaire car cela apporte de la joie au village. « Est-ce que cela vous donne envie de jouer plus régulièrement ? » : Certainement, répond-elle instantanément. Cela fait des années que nous n’avions pas fait ce genre de chose, cela nous change car nous sommes fatiguées de pleurer les morts. Alors, si nous pouvions le faire à chaque vacance pour prendre du plaisir avec les amis et les enfants. Danièle est la présidente de l’association des femmes du village et, à quarante ans, elle n’a pas hésité à venir jouer. J’ai tout de suite vu l’intérêt ici, cela nous donne l’opportunité de s’amuser avec les autres. En fait, cette journée a été la plus belle de toute l’année et même peut-être de ma vie. Je vais veiller à ce que ce moment se reproduise le plus souvent possible. Quant à Laëtitia (25 ans), elle non plus ne s’est pas posé la question : Bien entendu, je vais jouer ! Cette rencontre a été spectaculaire et comme j’aime, moi aussi, m’amuser, c’était super. J’y ai pris un énorme plaisir et j’aimerais bien recommencer. Un dernier mot, Laëtitia ? Oui, j’aimerais dire aux femmes du village de sortir massivement dans ces cas-là, pour qu’ensemble, nous puissions nous amuser… Cynthia, la joie du football au plus haut niveau Par ailleurs, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, j’ai pu prendre contact avec Cynthia Djohoré (30 ans), la gardienne de but de la sélection nationale de Côte d’Ivoire. Cynthia a bien voulu répondre à ces mêmes questions. Auparavant, il est utile de donner quelques points de repère quant à son parcours sportif. C’est lors de ses études universitaires à Abidjan que Cynthia a commencé par jouer au volley-ball de 2007 à 2008 où elle a évolué dans la plus haute Ligue Ivoirienne avec le club des Magnans d’Adjamé, dans la capitale économique de Côte d’Ivoire. Les photographies ont été données gracieusement par la personne intéressée. Au printemps 2010, Cynthia met un terme à sa carrière de volleyeuse pour en entreprendre une autre, celle de footballeuse. Quant au poste de gardienne de but, il va falloir que son équipe, les Onze sœurs de Gagnoa, joue la finale de la Coupe nationale contre le club de la Juventus d’Abidjan pour qu’elle l’occupe pour la première fois. Cela a été un honneur pour moi. Mais cela a été une première expérience un peu difficile vu qu’il y avait un nombreux public. J’ai su bien me comporter et montrer ma valeur et je dis encore merci à Dieu de m’avoir donné la force et le courage. C’était un grand plaisir de jouer au football ce jour-là, parce que depuis mon enfance c’était un rêve et jusqu’à ce jour, j’en ai fait mon métier. S’il fallait le refaire ? Bien sûr qu’avec le recul, je recommencerais, et avec joie ! J’ai toujours l’envie de jouer au football. Je le fais tout le temps, cela me fait grand plaisir et je suis en joie quand je joue. L’équipe nationale de Côte d’Ivoire, Cynthia Djohoré est à droite, capitaine de l’équipe avec le fanion. La passion du football est indéfectible quels que soient le sexe, l’âge et le niveau où on le pratique. Quant à la situation du football féminin dans les pays d’Afrique, elle est relativement difficile car ce sport pratiqué par des femmes a longtemps été boudé par les médias et le public. Ce que confirme Cynthia : le football féminin dans mon pays est peu connu. Il n’a pas d’influence comme celui des hommes. Ce qui est curieux est qu’il faut des élections pour le poste de président de la Fédération Ivoirienne de Football pour que certaines personnes apprennent qu’il y a des filles qui jouent au football ! Cynthia peut quand même se targuer d’avoir été trois fois championne de division 1 avec son club de Gagnoa. Actuellement, elle évolue au sein du club de l’Africa Sports à Abidjan. Sa carrière internationale en fait une référence avec plus de soixante sélections et diverses participations à la Coupe d’Afrique des Nations (3e place acquise lors de l’édition de 2014). En 2011, Cynthia a reçu le ballon d’or de la FiF, en tant que meilleure gardienne de but. Celle qu’on appelle le sphinx des cages réalise tant et tant d’exploits qu’elle donne fort désir et du régal à contempler bienveillant le football féminin. Femmes foot du 18 juin 2020. Cette page Facebook a pour objectif de promouvoir le football féminin en Côte d'Ivoire, en Afrique et ailleurs. Le football au féminin en Côte d’Ivoire Comme pour le football au masculin, il n’est pas aisé de connaître le nombre de footballeuses licenciées à la FiF. Ce que l’on sait est qu’en 2011, il y avait 10 équipes de football au féminin alors qu’en 2019, on en compte 21 réparties ainsi : huit en Division 1 et huit en Division 2, les cinq autres étant en attente. Pour 2020, il était prévu de faire passer la D1 devenue la Ligue 1 à dix équipes. Ces équipes disputent par ailleurs la Coupe nationale. La FiF a pour projet de mettre en place une compétition réservée aux jeunes joueuses. Il y aurait une vingtaine de joueuses professionnelles. La vitrine principale du football féminin en Côte d’ivoire reste l’équipe nationale. article deMondial Sports du 11 novembre 2019. |