France  : le grand paradoxe par François Sorton

France  : le grand paradoxe par François Sorton
Lorsqu’une équipe est si prolifique, l’idée qui prévaut est qu’elle s’est donné les moyens de ses ambitions. L’équipe de France pourfend cette idée  : elle est organisée pour ne pas prendre de buts, elle en marque énormément (4-2 contre la Croatie). C’est un grand paradoxe.

Huit défenseurs
Normalement, les matches amicaux (cette ligue des nations n’est rien d’autre qu’une série de matches amicaux) sont faits pour tenter des choses qui vont dans le sens du jeu, par exemple peaufiner des organisations plus hardies.
Avec Deschamps, c’est tout le contraire  : lorsqu’il innove, c’est toujours pour avoir plus de sécurité. Huit joueurs à vocation très défensive (Lloris, Sissoko, Upamecano, Lenglet, Hernandez, Mendy, Kanté, NZonzi), un relayeur, (Griezmann), et deux attaquants (Martial et Ben Yedder). C’est une tactique ultra-protectrice mais d’un réalisme à couper le souffle.
Comment mener 2-1 à la mi-temps d’un match quand vous n’avez pas vu le ballon, que vous n’êtes pas capable de faire deux passes de rang  ? Comment marquer 4 buts à chaque match où vous avez 5 occasions  ? Est-ce qu’une équipe, depuis l’existence des matches internationaux, a été aussi efficace que celle de Deschamps qui déjoue toutes les statistiques qui veulent qu’une équipe marque 1 but toutes les 4 occasions  ? L’équipe de France, elle, marque 4 buts toutes les 5 occasions. Comment expliquer ce qui ne l’est pas et qui n’est pas loin de s’apparenter à un cynisme qui fait froid dans le dos  ?
Contre la Croatie, les Français ont été ridicules, pitoyables toute une mi-temps et mener au score à cet instant relevait d’un pur miracle. Lorsqu’un miracle se produit ainsi, on peut mettre ça sur le compte de la chance. Lorsque le miracle se reproduit encore et encore, ce n’est plus de la chance mais une énigme, un mystère. Si vous savez les résoudre, faites-nous en part. Tout juste pourra-t-on avancer que Deschamps a inoculé à ses joueurs la détestation de la défaite, y compris un soir où son équipe était privée de Mbappé (on ne parle plus de Benzema dont le sort semble malheureusement réglé).
Résumons  : la France vient de gagner deux matches contre la Suède (1-0) et la Croatie, donc, en livrant deux mauvais matches, elle n’a aucun désir de s’y prendre autrement puisque ça marche, tout le monde est en admiration devant Deschamps, personnage sacré du football français. Que demande l’amateur moyen de foot  ? Rien, il est content, beaucoup plus que les Croates sûrement éberlués et incrédules.
Comment dit-on bête noire en Croate  ? Lors de la demi-finale de la Coupe du Monde 1998, les coéquipiers de Boban avaient dominé la France mais perdu 2-1 sur deux buts du gauche de Thuram, un pied dont il ne se sert que pour monter dans le bus. En finale 20 ans plus tard, ils perdent déjà 4-2 après avoir fait le jeu. Hier, (il n’y avait certes pas d’enjeu), leur supériorité a été pareillement punie. Mais bête noire, c’est aussi la nôtre, car comment comprendre qu’une équipe qui marque tant de buts est aussi pénible, voire désespérante à voir jouer  ? Parfois, il faut admettre son ignorance ou son incompréhension.