Ligue 1  : Le pire cru du siècle par François Sorton

Ligue 1  : Le pire cru du siècle par François Sorton

Quelle différence y-a-t-il entre une cuvée Corbières 2012 et l’édition 2018-2019 du championnat de France de football  ? Aucune, les deux donnent mal à la tête, impropres à la consommation. C’est assez souvent le cas de la Ligue 1 mais soit il y a un peu de suspense, soit des équipes comme Lille, Montpellier ou Monaco cassent la routine ou des entraîneurs comme Bielsa stimulent la compétition. Là, à mi-parcours, c’est le néant.


La théorie du ruissellement  ? Bonne blague
Si l’on en croit les théoriciens du ruissellement, la «  grandeur  » du Paris Saint-Germain devrait rejaillir sportivement sur l’ensemble des équipes. Ils ont tout faux, c’est exactement le contraire, les Parisiens assomment tout et tout le monde. Les premiers de cordée ont laissé leurs adversaires en bas, tout en bas, dans le lointain. Il est possible qu’en fin de saison, il y ait autant d’écart entre le PSG et son dauphin qu’entre celui-ci et le dernier. Invaincus, les hommes de Tuchel ne forcent même pas leur talent.
Le plus chagrinant n’est pas tant leur implacable domination que la médiocrité absolue des poursuivants. On veut bien s’extasier devant un raid du Lillois Pépé ou une frappe du Stéphanois Khazri mais c’est quand même un peu court. Lyon fait de bons matches en Ligue des Champions mais dédaigne le championnat comme si la seconde place lui était promise  ; le début de saison de Marseille est calamiteux, ce qui ne l’empêche pas de garder toutes ses chances de monter sur le podium.
Les autres appliquent la cynique leçon émanant de l’équipe de France  : il n’est pas nécessaire d’être bon pour gagner. Certains matches sont tellement pauvres qu’on en sourirait presque  : 0-0, aucune occasion de but et tout le monde est content et fier «  d’avoir mouillé le maillot  ». Le jeu n’a jamais été aussi décousu, invertébré, haché, violent parfois. On veut bien croire que la vitesse et l’intensité sont des arguments intéressants face à des défenses renforcées – de plus en plus d’équipes jouent avec 5 défenseurs et 2 milieux défensifs - mais sans aucune coordination ni consistance technique, ces arguments tombent à l’eau.
La Ligue des Champions et aussi les championnats espagnol et anglais) sont des compétitions de grande réconciliation avec le jeu, mais ce n’est qu’un dessert qui n’arrive pas à faire évacuer l’odeur frelatée de notre pain quotidien, cette Ligue 1 qui nous berce depuis l’enfance et qui est très ingrate. Visiblement, les clubs se moquent de leur mesquinerie  : dans 18 mois, grâce à un téméraire diffuseur, Médiapro, ils vont toucher un pactole d’1,1 milliard d’Euros (financièrement, la théorie du ruissellement fonctionne puisqu’il n’y aurait pas eu d’enchère sans le PSG).

Les racines du mal
Depuis 50 ans, toutes les instances dirigeantes et sportives du football français exercent leur magistère sans passion, sans inspiration, guidées par la grisaille d’un conformisme béat. Nous n’oublions évidemment pas la qualité des centres de formation qui a permis l’éclosion de grands joueurs deux fois champions du monde en 20 ans. C’est une incontestable prouesse mais ce ne sont que deux magnifiques éclairs dans un conglomérat d’ectoplasmes qui pensent le football comme une gestion de fonds de pension. Fournet-Fayard, Simonet, Escalettes, Duchossoy, aujourd’hui Le Graët ne sont pas des présidents habités par le football, ils ont nommé à la Direction Technique Nationale ou à la tête de la sélection des hommes du sérail qui leur ressemblent  : Jacques George, Boulogne,Hidalgo, Houllier, Jacquet, Lemerre, Santini, Domenech, Blaquart, Fournier, Deschamps pour qui le foot ne donne pas l’impression d’être un plaisir, encore moins un art mais un boulot, un devoir.
Un homme aurait pu rendre ses lettres de noblesse au football  : Michel Platini. Mais après s’être vite aperçu qu’il n’était pas fait pour être sélectionneur, il a préféré conquérir la présidence de l’UEFA. Si Platini avait eu en charge pendant 10 ans le destin du football français, il y aurait aujourd’hui peut-être moins de raisons de se morfondre devant un Caen-Toulouse. Il suffit parfois d’un éclaireur pour tout changer. Ce fut le cas en Espagne où Cruyff puis Guardiola ont révolutionné la nature d’un jeu qui, à l’exception du Real Madrid, était défensif et rugueux, voire dur. Pour le moment, les amateurs du football à l’emporte-pièce se régalent, les autres attendent….