Passionnés pour transmettre… par Bernard Gourmelen Les réseaux sociaux m’ont permis de nouer des liens avec des jeunes footeux passionnés par leur sport comme on a pu le constater précédemment. Une fois de plus, c’est par ce système que je suis entré en contact avec ces autres passionnés par la pratique du football mais aussi, et surtout, par leur souci de la transmettre. |
Auparavant, il me semble nécessaire de préciser que l’organisation de la pratique du football en Côte d’Ivoire est liée à la culture du pays où beaucoup d’activités se déroulent de manière informelle comme on a pu le voir antérieurement. La Fédération Ivoirienne de Football s’occupent des équipes nationales pour les compétitions internationales et des compétitions nationales pour les équipes réservées aux adultes (de la division 1 à 4 et les coupes nationales) et n’a que depuis peu commencé à se consacrer aux plus jeunes en organisant des compétitions qui leurs sont réservées, à partir des U15. En dessous de cette catégorie, la pratique du football ne se fait pas en club mais dans des centres privés de formation comme celui très réputé Mimosifcom, l’académie de football rattachée au club de l’ASEC Mimosas d’Abidjan qui a connu une grande renommée internationale puisque bon nombre de ses pensionnaires ont rejoint des clubs professionnels européens et ont connu une carrière internationale. C’est ainsi qu’il existerait près de trois cents de ces centres de formation sur le territoire Ivoirien dont une soixantaine rien que sur la ville d’Abidjan et de ses différentes communes. Là, les jeunes des catégories U8 à U14, acceptés après des repérages et des tests, sont pris en charge en échange d’une contribution payée par les parents. Ce qui leur permet de s’initier ou de s’entraîner régulièrement après les cours scolaires. Nous allons donc tenter de connaître ces passionnés de la transmission et l’un de ces centres de formation. Ici, comme précédemment, nous nous contenterons d’observer ce qui se passe, sans plus. Nous allons donc nous rendre dans la commune d’Adjamé, une des nombreuses communes de la ville d’Abidjan à la découverte du centre de formation dénommé, Génération Football Adjamé (GFA). Génération Football d’Adjamé à Abidjan 1 Génération Foot d’Adjamé à Abidjan est un centre de formation ouvert aux jeunes du quartier pour y apprendre les bases du football. Ce centre a été créé en octobre 2018 sur la commune d’Adjamé Williamsville. M. Sylvain Droh est le président de GFA. C’est lui qui nous a conduits à ce niveau aujourd’hui. Il nous aide pour trouver les financements. Ils sont environ quatre-vingt à être inscrits à ce centre de formation. Ils sont encadrés par trois formateurs ou entraîneurs. Ceux-ci nous permettent d’acheter notamment les équipements mais aussi de faire face aux autres dépenses. C’est le boss, comme l’explique Aymard Guio, vice-président et formateur. La finalité de ce centre de formation à la pratique du football est d’aider nos jeunes frères à bien se former dans la vie et plus particulièrement dans la vie sportive. Après, le but est aussi que nos jeunes aillent rejoindre des académies plus prestigieuses, poursuit-il. Voici quelques uns de ces jeunes joueurs. Quant aux installations, les jeunes footeux évoluent sur des espaces alloués par la commune mais il n’y a pas encore de lieux dédiés avec des bâtiments appropriés. Les parents des jeunes joueurs participent aux frais en versant une cotisation, une fois que ceux-ci y sont admis. Ils s’entraînent trois fois par semaine lors de séances qui durent une heure trente. Les jeunes joueurs participent à des compétitions comme le championnat local des centres de formation d’Adjamé durant l’année scolaire. En plus, ils peuvent être appelés à disputer des tournois comme celui-ci, organisé par une association Festi-Foot : Aymard Guio tient à préciser : Maintenant, on est bien reconnu et connu sur la ville d’Abidjan. Aymard, la cheville ouvrière 1 Je me prénomme Aymard, je suis âgé de vingt-sept ans. Je suis originaire de l’ouest de la Côte d’Ivoire, dans la ville de Man. Après un baccalauréat, j’ai suivi une formation de deux années d’études supérieures en réseaux informatiques et télécommunications. Laissons-lui la parole : Actuellement, j’occupe la fonction de vice-président à GFA, dont je suis l’animateur au quotidien comme dirigeant et entraîneur. Comme tout Ivoirien, la passion du football lui est venu très tôt comme il l’explique : J’ai commencé à jouer vers l’âge de huit ans parce qu’un ami d’enfance, Patricio, m’y a intéressé. Je ne conserve que de très bons souvenirs de cette enfance, ballon aux pieds. J’ai le football dans le sang. En fait, le football, c’est sa vie et Aymard compte bien ne pas s’éloigner de son domaine de prédilection. Dans le milieu du football, tu te fais une famille, avec un esprit collectif mais aussi individuel, très avancé, complète-t-il. Il nous confirme la place essentielle du football dans son pays : Ici, le football est roi, c’est une vie pour nous. Enfants, jeunes, adultes, tout le monde exerce dans ce domaine plus ou moins deux fois par semaine. C’est ce qui fait qu’il y a un trop plein de talents en Côte d’Ivoire ! Aymard raconte ainsi son parcours de footballeur : J’ai évolué dans un centre de formation comme beaucoup de jeunes Ivoiriens, mais un centre pas reconnu à l’époque. On représentait notre quartier dans les différentes confrontations de la commune. Ces compétitions n’avaient pas de caractère officiel. Mais il y avait de l’ambiance, de l’émotion dans tous les sens et chaque rencontre était un nouveau défi. Il y avait un côté sérieux car on avait un coach pour nous encadrer et nous motiver. Ce qui faisait la particularité, c’est que tous les jeunes vivaient ensemble dans un rayon restreint, il y avait donc beaucoup de compréhension et de complicité. Le coach au milieu de ses troupes à l’entraînement. Pour évoluer dans cette équipe, il fallait être fils de ce secteur de la commune. On ne donnait pas grand-chose, sauf quand le moment arrivait alors on nous imposait une certaine somme pour participer aux frais d’équipements. Après, Aymard reste lucide entre le football qu’il connaît et qu’il fait pratiquer et ce qui se passe au plus haut niveau : Le football professionnel est très important car il te montre ce qu’il en est vraiment, il démontre la réalité de la chose. Bien entendu, il y a une très grande différence mais pour moi cela m’aide comme une initiation à la pratique de ce métier. Je suis de près tout type de rencontre parce que mon métier me le demande, cela me permet de progresser. C’est ainsi que j’apprends au fur et à mesure. De son quotidien qui résonne football en permanence, Aymard s’applique à faire partager sa passion à ces jeunes footeux : Si je suis devenu dirigeant de club, dans un premier temps, c’est par amour pour ce domaine. Ensuite, entre moi et les enfants, il existe une complicité dont seul Dieu a l’explication. Ainsi, je suis venu pour apporter mon aide, mon soutien à tous ces enfants afin qu’ils puissent réaliser leur rêve de devenir footballeur professionnel. Aymard, l’un des fondateurs de ce centre de formation, est satisfait que celui-ci soit aujourd’hui reconnu par les administrations de la commune et de la ville d’Abidjan. On a de la considération et du respect mais en plus, cette autre passion n’a fait qu’augmenter mon amour pour ce métier tout en me procurant beaucoup d’expériences. Dans son travail journalier au centre de formation, Aymard est secondé par Youssouf, dirigeant à Génération Football d’Adjamé. Youssouf, le collaborateur 1 Youssouf a trente-deux ans. Il vit à Abidjan. Son parcours scolaire s’est interrompu en cours moyen. 2 Il est coach et secrétaire général adjoint au centre de formation à Adjamé. Contrairement à beaucoup des jeunes footeux rencontrés, Youssouf a débuté tardivement dans le football : C’est à l’âge de quinze ans qu’a débuté en fait ma passion du football. J’y étais poussé, motivé et encouragé par mes parents et plus particulièrement par mon frère aîné. S’il ne garde que de bons souvenirs de cette période là, il reconnaît que : Comme mon âge était déjà avancé pour faire une bonne carrière de footballeur, j’ai donc décidé de continuer en prenant une autre option mais en restant toujours dans ce domaine. Par contre, j’ai toujours besoin de jouer car cela m’aide à conserver beaucoup de santé, une bonne condition physique pour garder la forme. S’il n’a pas connu de club de haut niveau, il a, comme énormément de jeunes footeux ivoiriens, fait un passage dans des centres de formation pour apprendre les bases de ce sport. Pendant tout ce temps, Youssouf a joué dans des équipes de ces centres de formation sur la commune d’Adjamé où il habitait. Il fallait s’acquitter d’une somme à l’inscription, et chaque mois il fallait aussi verser pour la cotisation. De plus, il fallait participer pour les tenues. On s’entraînait jusqu’à quatre fois la semaine sur un terrain communal. Ainsi, on pouvait participer à des tournois ou à des rencontres amicales, commente-t-il. Les jeunes de GFA à l’entraînement. Actuellement, il admet que le football est un métier pour lui : Il se pratique partout dans le pays. Ce sport est aussi un moyen de réconciliation. Quand il met en parallèle le football qu’il côtoie et celui du monde professionnel, il met en avant des spécificités, comme : Le mental est différent mais il y a aussi plus de pression chez les professionnels, tout comme il y a plus d’engouement. Par contre, le football professionnel a des impacts positifs sur le nôtre. Positif, parce qu’il galvanise nos enfants depuis le plus jeune âge à se donner à fond. Par contre, il y a aussi un aspect négatif car tous les jeunes joueurs ayant le niveau ne peuvent pas avoir leur chance pour le plus haut niveau. Si je suis dirigeant de club, c’est pour apporter mon expertise, mon expérience, aux plus jeunes. Ce travail me procure de la considération et du respect. Mais rien ne vaut la joie, rien que la joie d’être avec les enfants que nous adorons, nous ne pouvons qu’être heureux, conclut-il ! _____________________________________________________________________________ 1 Le U correspond à la 1ère lettre du mot anglais Under (signifiant sous en français) et le nombre indique l’âge en dessous duquel se trouve le joueur. Exemple : un joueur U15 est un joueur qui est sous l’âge de 15 ans. 2 Les jeunes footballeurs en Côte d’Ivoire sont aussi répartis en fonction de leur poids : 30 kg, 35 kg, 40 kg, 45 kg, 50 kg. Un joueur de la catégorie U12 correspond à un poids en-dessous de 35 kg. 3Le centre Génération Football d’Adjamé a fourni gracieusement les photographies. |