Euro 2021: des huitièmes en trompe-l’œil, par Simon Lebris

Euro 2021  : des huitièmes en trompe-l’œil par Simon Lebris

Dépêchons-nous avant que l’Euro reparte au quart de tour pour des quarts de finale où tout le monde (ou presque) attendait les équipe d’Allemagne, de Croatie, des Pays-Bas et, y en a qui disent «  quelle honte  !  », de la France. Mais question jeu, on reste sur sa faim.

Euro 2021  : des huitièmes en trompe-l’œil par Simon Lebris

Tous ces huitièmes sont loin de nous avoir régalés. Pouvait-il en être autrement avec ces fameux «  matches couperets  » dont le vaincu doit plier bagages  ? L’engagement physique n’a pas assez été réprimé, les tactiques ont tourné à la monotonie avec un jeu de circulation du ballon au milieu, prélude à des passes sur la ligne arrière à trois ou quatre joueurs puis déclenchement d’une fusée vers l’avant, ce soi-disant «  jeu de transition  » qu’on appelait autrefois, plus clairement, «  contre-attaque  ». Ces variations sémantiques attestent de la malléabilité d’une langue mais ne trompent personne  : on peut aujourd’hui parler de «  pistons  » quand hier on évoquait des «  joueurs de couloir  » et avant-hier des «  arrières latéraux  », et si le milieu de terrain Kanté est salué pour son aptitude à «  casser les lignes  », nous nous contentons quant à nous d’admirer son sens de l’interception. Mais qu’importe ces questions de vocabulaire, celles du jeu nous préoccupent davantage. Et sur ce plan, notre déception prévaut car l’uniformisation des styles implique que la différence repose essentiellement sur les individualités, leur talent, leur état de forme, voire même leur nombre quand certaines équipes ont à déplorer de nombreux blessés.

Au plaisir d’un jeu spectaculairement offensif désormais obsolète, nous devons substituer celui de surprise ou de suspense. Les Pays-Bas de Frank De Boer ont créé la première en se faisant sortir par une équipe tchèque qui ne manquait pas de Shick, buteur sur centre en retrait (oui, ça continue de s’appeler comme ça  !). Première conséquence  : exit Frank De Boer (il y a des pays où on ne badine pas avec une élimination prématurée, ce qui ne devrait pas être le cas au Portugal). Le pompon du suspense le plus intense revient à un Croatie-Espagne ponctué de huit buts, une rareté qu’enfin du public (22 000 spectateurs à Copenhague) a pu savourer. Initié par un but gag encaissé incompréhensiblement par Unaï Simon sur une innocente passe en retrait de Pedri, le match valut par une Espagne retrouvée notamment grâce à Busquets. 1-0, 1-1, 1-2, 1-3, à dix minutes de la fin, les jeux semblaient faits et défaits pour la Croatie journalistiquement parée de son faux-titre de vice-championne du monde. Penses-tu  ! 2-3 puis 3-3 avant que l’Espagne porte l’estocade à Modric et ses partenaires en prolongation. Voilà un adversaire que Didier Deschamps s’apprêtait à affronter et transpercer en quarts de finale. Mais un brouillard de confiance lui avait caché la hauteur des montagnes suisses, en l’occurrence une qualité technique supérieure à celle de Français sans doute perméables à un encensement généralisé, entre un Mbappé promis à ce Ballon d’or qu’il s’est juré d’avoir et un Pogba schizophrénique, capable de transversales somptueuses et d’un but superbe (mais célébré avec un orgueil impudique) comme d’une perte de balle fatale. Certes les blessures (Hernandez, Digne), les ratés (Kimpembé, Lenglet, Pavard) et un système de jeu (3-4-3) incompris par ses acteurs eux-mêmes et d’ailleurs non conservé, ont rendu vain l’opportunisme habituel des Tricolores de Deschamps. Malgré un Benzema madridesque, la question se pose du maintien de l’actuel sélectionneur en vue de la Coupe du monde au Qatar. Et de nombreux regards s’orientent vers Madrid…
Restait le match que tout le monde attendait  : Angleterre-Allemagne à Wembley. L’équipe du partant Joachim Löw n’aura fait illusion qu’une dizaine de minutes, même si le gardien anglais Pickford dut s’employer devant Werner puis sur un tir de Havertz. Match ennuyeux, sans rythme, il fallut attendre longtemps avant que Sterling ne trompe Neuer pour la sixième fois dans ce tournoi et que Thomas Müller manque une immanquable égalisation. L’attendu Harry Kane délivra enfin l’équipe aux Trois Lions en donnant rendez-vous à une timide Ukraine qui a disposé d’une Suède malchanceuse (deux tirs sur les montants) et réduite à dix en prolongation.

Dans ces quarts de finale de fin de semaine, on attend un peu plus d’Italie-Belgique que de Danemark-Suède, mais c’est peut-être l’inverse qui se produira. C’est la glorieuse incertitude d’un match de football.